Les fiches de poste publiées pour des recrutements de DAF laissent apparaître une grande diversité de missions — sans même évoquer la frontière parfois floue entre DAF et RAF.
À cela s’ajoute une réalité évidente : chaque professionnel imprime au poste une coloration propre, façonnée par son expérience, sa trajectoire et ses convictions.
Les contextes d’entreprise, eux aussi, sont uniques et évolutifs. Il n’est donc pas rare qu’un DAF se voie confier des projets qui n’avaient, au départ, jamais été anticipés.
Résultat : il est souvent difficile de traduire concrètement le quotidien d’un DAF et la valeur réelle de sa contribution à l’entreprise.
DAF à temps partagé : une alternative durable au DAF à temps plein
Cette lecture devient encore plus complexe lorsqu’il s’agit d’un DAF à temps partagé : un professionnel externalisé, intervenant auprès de plusieurs entreprises simultanément, selon des modalités très variables.
Dans cet article, nous proposons une grille de lecture pragmatique permettant d’identifier trois grands profils de DAF à temps partagé :
– le DAF Planificateur
– le DAF Projet
– et le DAF Bras droit.
Nous écartons volontairement le profil du DAF de transition, généralement mobilisé à temps plein sur des périodes limitées.
Les trois profils présentés ici correspondent au contraire à des modes pérennes de structuration de la fonction finance, particulièrement adaptés aux start-ups et PME en phase de structuration ou de changement d’échelle.
Puisqu’une image vaut 1000 mots, voici en synthèse la contenu de l’apport de ces 3 types de profils, comparés à l’apport d’un DAF à temps plein.
La pertinence du principe de recourir à un DAF à temps partagé réside dans le fait que souvent, 50% du temps d’un DAF à temps plein consiste à prendre en charge des sujets diffus, non stratégique et non prioritaire.
Cela ne signifie pas que ces sujets ne sont pas à traiter, mais que dans une péréquation idéale, ces sujets devraient être assumés par d’autres profils - et à l’évidence, des profils moins couteux.
Détaillons à présent ces 3 typologies de DAF à temps partagé.
DAF planificateur (FP&A) : pilotage financier, budget et prévision de trésorerie
La capacité de modélisation constitue sans doute la qualité fondamentale d’un DAF.
C’est elle qui permet d’établir, en lien avec l’ensemble des services de l’entreprise, des prévisions d’activité structurées et cohérentes.
Ces prévisions couvrent notamment :
- les niveaux d’activité et de rentabilité anticipés, formalisés dans un budget ;
- la traduction de ce budget en flux de trésorerie, via un prévisionnel de trésorerie — sans doute le document le plus fondamental pour le pilotage d’une entreprise.
Chaque mois, le DAF confronte ces hypothèses à la réalité de l’activité. Ce rapprochement s’opère au travers d’un reporting, qui compare la performance réalisée à la fois :
- à celle de la période précédente,
- et, surtout, à celle qui avait été anticipée.
Pour chaque écart significatif, le DAF évalue la nécessité d’ajuster ses hypothèses, et en mesure les conséquences concrètes sur la trajectoire de l’entreprise.
Si cet enjeu est central, on pourrait s’étonner qu’il ne représente, dans l’exemple que nous esquissons, qu’environ deux jours par mois dans l’agenda du DAF.
Il s’agit bien sûr d’une moyenne — plutôt optimisée. De nombreuses entreprises mobilisent plusieurs personnes à temps plein, ainsi que des outils parfois très coûteux, pour couvrir ces sujets de planification et de reporting.
Toutefois, dans beaucoup d’organisations — et en particulier celles qui sont les plus susceptibles de recourir à un DAF à temps partagé — une fois les logiques budgétaires et de reporting correctement structurées, leur mise à jour peut en grande partie être automatisée.
Un DAF ayant correctement organisé ses données, sous Excel ou via un autre outil, pourra ainsi concentrer son temps sur :
- la collecte des données réelles (comptabilité, paie, etc.) ;
- la vérification de leur cohérence et de leur qualité ;
- l’analyse des écarts entre réalisé et prévisionnel ;
- l’actualisation des projections ;
- et la restitution de ses travaux au dirigeant.
Il est donc tout à fait possible — et souvent pertinent — d’opter pour ce type d’accompagnement lorsque le besoin principal porte sur l’information, la visibilité et l’anticipation.
DAF projet : financer, transformer et structurer l’entreprise
La vie d’une entreprise est rythmée par des projets, souvent motivés par :
- la pérennisation de l’activité,
- l’optimisation de l’existant,
- ou la recherche de croissance.
Il s’agit ici de projets structurants, qui nécessitent une méthodologie spécifique et s’inscrivent dans le temps long.
On peut citer, par exemple, des projets :
- de financement (levée de fonds, levée de dette),
- de transformation digitale (changement d’outil, optimisation de processus),
- ou de (re)structuration.
Au-delà de ses compétences de modélisation — toujours indispensables — le DAF « Projet » doit faire preuve de capacités à impulser, structurer, déléguer, benchmarker et rendre compte.
Naturellement, lorsqu’un dirigeant s’entoure pour mener un projet stratégique, il cherche un profil ayant déjà conduit avec succès des démarches similaires.
C’est précisément l’un des apports clés d’un DAF externalisé : du fait de la fragmentation de son temps, il est confronté à une plus grande diversité de situations et de projets qu’un DAF salarié, qui connaît en revanche plus finement le contexte spécifique de son entreprise.
Ainsi, il est plus probable qu’un DAF externalisé — et a fortiori un cabinet de DAF externalisé — ait récemment :
- benchmarké des solutions ERP pour PME,
- actualisé les conditions d’emprunt auprès d’un panel de banques,
- renégocié des dettes bancaires,
- refondu des processus P2P (achats) ou O2C (ventes),
- etc.
Parce qu’un DAF — interne ou externe — figure parmi les profils les plus coûteux de l’entreprise, son intervention doit générer un impact significatif.
Au-delà du socle informationnel, le recours à un DAF externe est particulièrement pertinent pour conduire des projets de structuration et de transformation de la fonction finance.
DAF bras droit : structurer le quotidien et absorber la complexité
Il est très fréquent — voire la norme — qu’un dirigeant consacre ses journées à autre chose que ce qu’il avait initialement prévu.
Pour un DAF, c’est souvent la même chose.
Il absorbe des sujets :
- par le haut, transmis par le dirigeant ;
- par le bas, remontés par ses équipes ;
- et par le côté, émanant des autres services, qui perçoivent fréquemment le DAF comme un adjoint à la direction générale.
L’ensemble de ces sujets constitue ce que l’on peut qualifier de « diffus ».
Par définition, ce diffus recouvre des réalités très hétérogènes :
- du diffus prioritaire :
- documentation d’une approche comptable spécifique,
- constitution de la partie financière d’un dossier d’appel d’offres ou de subvention,
- résolution de problématiques de communication transverses ;
- du diffus stratégique :
- analyse de la rentabilité d’un contrat,
- revue de la politique de frais et du contrôle interne associé,
- organisation des arrêtés avec l’expert-comptable, le commissaire aux comptes, l’avocat ;
- du diffus non prioritaire et non stratégique :
- saisie de factures,
- catégorisation de transactions bancaires,
- relance clients.
Il est normal et souhaitable qu’une partie du diffus — lorsqu’il est stratégique ou prioritaire — relève du périmètre du DAF.
En revanche, sauf situation exceptionnelle, les tâches relevant du diffus non prioritaire et non stratégique ne devraient pas lui incomber, dans un souci d’efficience économique.
Or, dans de nombreuses entreprises, ces tâches occupent une part importante du quotidien du DAF, simplement parce qu’il est souvent perçu comme « la moins mauvaise personne pour le faire ».
Lorsqu’il est présent de manière renforcée (mi-temps ou temps plein), le DAF doit être un facilitateur du quotidien.
Son rôle consiste à absorber une partie de la charge mentale du dirigeant et à fluidifier le fonctionnement de l’organisation, avec l’objectif de traiter le fond des sujets — et non seulement d’absorber le trop-plein.
Conclusion : choisir un DAF à temps partagé, c’est d’abord clarifier ses priorités
Le DAF à temps partagé n’est ni une version “allégée” du DAF à temps plein, ni une alternative plus économique.
C’est un mode d’organisation à part entière, qui oblige l’entreprise à expliciter ses attentes vis-à-vis de la fonction finance.
Cherche-t-on avant tout :
- de la lisibilité et de l’anticipation pour piloter l’activité ?
- une expertise ponctuelle mais structurante pour mener des projets critiques ?
- ou un bras droit capable d’absorber la complexité du quotidien et de soulager le dirigeant ?
Selon la réponse, le profil pertinent ne sera ni le même, ni mobilisé avec la même intensité.
Dans les faits, beaucoup d’entreprises combinent ces approches dans le temps :
un DAF planificateur pour poser les bases, un DAF projet pour franchir un cap, puis un DAF bras droit lorsque l’organisation gagne en densité.
La vraie question n’est donc pas « faut-il un DAF à temps partagé ou un DAF à temps plein ? »
mais plutôt « où la valeur d’un DAF est-elle la plus critique aujourd’hui dans mon entreprise ? »
C’est à cette condition que la fonction finance cesse d’être un centre de coûts… pour devenir un véritable levier de pilotage et de transformation.