Si vous pensez que la SERIE A est un championnat de football italien, qu’un PITCH est une brioche au chocolat, et que SEED est la traduction de graine, bravo ! Vous êtes sûrement sportif, gourmand et bilingue. En revanche, pas sûr que vous ayez toutes les connaissances de bases d’une levée de fonds.
Commençons par le commencement : pourquoi lever des fonds ?
Une société lève des fonds pour financer une étape de sa croissance. Cela peut être au tout début de la vie d’une start-up pour financer son POC (proof of concept) ou son MVP (minimal viable product). Pour une entreprise ayant déjà une certaine maturité, cela peut permettre son développement à l’international, ou encore le lancement de nouveaux produits.
Lever des fonds auprès d’investisseurs implique de céder une part de son capital en échange de l’argent reçu. Les investisseurs vont ainsi attendre une certaine rentabilité afin de rémunérer le risque pris. Ils n’ont pas vocation à rester actionnaires pendant toute la vie de l’entreprise, leur horizon de sortie se situe en moyenne à 5 ans.
Lever des fonds permet de recevoir… des fonds… Merci Captain Obvious !
Au-delà du cash, la notion de SMART MONEY est également primordiale dans un contexte de levée.
En effet, les clubs de BA (Business Angels) et autres VC (Venture Capital) mettent régulièrement en avant ce qu’ils ont à offrir aux sociétés dans lesquelles ils ont des participations :
- Carnet d’adresses (clients, fournisseurs, partenaires, salariés, locaux…)
- Expertise du secteur
- Prise de recul
Que ce soit d’ordre stratégique, commercial, RH, ou managérial, les investisseurs ont tout intérêt à accompagner au mieux leurs participations.
L’écosystème des investisseurs
Parce qu’il existe un grand nombre de fonds, et parce que tous les fonds ne financent pas toutes les entreprises, cela peut parfois être difficile de s’y retrouver.
On peut schématiser en distinguant 3 catégories :
Le PRE SEED
- C’est quoi ? En français, pré-amorçage est le financement du tout début d’une start-up, généralement pour de la R&D, ou lancer la commercialisation de son MVP.
- Avec qui ? Le CROWDFUNDING (financement participatif), la LOVE MONEY (financement via le cercle amical, familial) ou certains clubs de BA.
- Combien ? Généralement inférieur à 500K€*
Le SEED
- C’est quoi ? En français, l’amorçage est l’étape suivante, lorsque le PMF (product market fit) est trouvé (le moment où le produit/service trouve son marché, plaît aux clients, et que la demande est croissante). Il va s’agir ici par exemple d’accélérer la commercialisation, l’industrialisation.
- Avec qui ? Certains fonds de VC et clubs de BA
- Combien ? Généralement entre 500K€ et 3M€*
Les SERIES
- C’est quoi ? Viennent ensuite les Séries (Série A, B, C, etc…) qui sont les levées suivantes et permettent par exemple le lancement d’un nouveau produit, un développement à l’international, une croissance externe.
- Avec qui ? Fonds de VC
- Combien ? Généralement supérieur à 3M€*
*Ces montants sont donnés à titre indicatif. Ils peuvent varier selon un nombre de critères importants. Par exemple, une start-up dans la biotech aura tendance à avoir des besoins beaucoup plus importants étant donné les délais de commercialisation dans ce secteur.
Les différentes étapes d’une levée de fonds
Rentrons maintenant un peu plus concrètement dans le déroulé d’une levée de fonds.
En préambule, notez qu’une levée de fonds prend du temps ! Il est très compliqué en effet de boucler sa levée en moins de 5 mois. Pourtant, il est capital qu’elle consomme le moins de temps possible. Un dirigeant d’entreprise ne doit pas passer un an à chercher des fonds, il a bien plus de valeur ajoutée à gérer son quotidien, ses clients, ses salariés, etc…
En outre, plus le temps passe, plus la société risque d’être à court de cash ! Inutile de vous dire qu’il est plus compliqué de négocier avec les fonds lorsque l’on se retrouve au pied du mur.
1) La préparation
La préparation est sûrement l’étape la plus importante.
⇒ Mieux la société est préparée, plus elle a de chances que sa levée aboutisse rapidement.
Les MUST HAVE :
- Le PITCH DECK (ou PITCH) est un document de présentation permettant de “teaser” un projet. Il doit contenir peu de slides (une vingtaine maximum), être simple, et faire ressortir des mots clés. En supplément, un “EXEC SUM” (executive summary) est généralement apprécié ; il s’agit d’un résumé d’une ou deux pages du pitch.
- Le nom et l’accroche
- L’équipe
- Le produit/service
- La traction
- Le marché et ses opportunités
- La concurrence
- La roadmap et l’utilisation des fonds de la levée [BP]
- Les remerciements
- Le BUSINESS PLAN [BP] : un Excel, des hypothèses, et paf, ça fait des Chocapics !
Le pitch présente en général ces 8 éléments :
Ces points sont relativement explicites, sauf peut-être la TRACTION qui peut être définie comme une forte accélération de l’adoption du marché pour le produit/service proposé. Cette démonstration est indispensable lors du pitch. Si l’on est en pre-seed et que l’on a pas encore démarré la commercialisation du projet, il faut prouver un intérêt fort du marché, et ce, via des discussions abouties, des partenariats ou des propositions commerciales.
Cette traction prouve en effet le potentiel de croissance exponentielle de l’entreprise, et donc a fortiori le retour sur investissement important demandé par les fonds.
A la fois simple et compliqué, l’exercice du business plan peut parfois être périlleux lorsqu’il est effectué par des non-initiés. On vous a concocté un article dédié ici ⇒ Business plan 🔬
Les NICE TO HAVE :
- La DATA ROOM est un espace dédié, dans lequel tous les documents demandés par les fonds sont au préalable mis à disposition et préaudités par le dirigeant. Peu importe les fonds retenus, ils vont à coup sûr demander certains documents (balance générale, liasse fiscale, K-bis, brevets, contrats, etc…). Si ceux-ci ne sont pas tous déjà prêts en amont de la levée, et qu’il faut que le dirigeant les demande à son expert-comptable ou son avocat, cela peut montrer un manque de sérieux et de préparation de la part de la société.
- La Q&A LIST est la cerise sur le gâteau ! Rarement établie, elle est un élément différenciant, un atout de force. A l’instar de la data room, la Q&A list est un document récapitulant les principales questions posées par les fonds, et surtout les réponses associées. Elle doit être préparée en concertation avec les conseils (finance, avocat, expert-comptable…) qui connaissent parfaitement les types de questions posées, et vont coacher le dirigeant pour y répondre.
⇒ Au contraire, si tout est prêt, cela permet de s’éviter du stress et surtout gagner du temps !
⇒ Ce document peut ainsi être intégré dans la data room, voire même annexé au pitch deck
2) Le Roadshow
Le roadshow est l’étape du ciblage et de la rencontre avec les investisseurs. Comme évoqué dans la partie sur l’écosystème des investisseurs, inutile d’aller voir des gros fonds de VC si vous êtes en pre-seed. Inutile également d’inonder la place du financement de son pitch, les fonds recevant jusqu’à une centaine de dossiers par mois, il faut que ce soit ciblé, personnalisé.
Afin d’avoir un impact plus important auprès des investisseurs, il est généralement conseillé pour les dirigeants de privilégier les “go-between”, les mises en relation via son réseau afin que le contact soit le plus naturel possible. La participation à des événements organisés pour faire rencontrer dirigeants, investisseurs et partenaires est également une occasion en or pour faire connaitre son idée, échanger de manière informelle afin d’être plus percutant lors de la rencontre “officielle” et la présentation du pitch auprès de ces investisseurs.
3) La LOI
La LOI (letter of intent) ou lettre d’intention en français est un document officialisant l’intérêt du fonds pour la société cible. Elle décrit les deux partis et indique les raisons de la volonté du fonds de s’engager auprès de la société. Dans cette lettre, on y trouve souvent une clause d’exclusivité, de confidentialité (un “NDA”, non-disclosure agreement), ou encore des conditions suspensives (par exemple, l’investissement ne se réalisera qu’à l’issue des conclusions satisfaisantes des audits effectués).
Egalement appelée TERM SHEET (ou TS), la LOI précise également les contours du futur pacte d’associés, en listant notamment les principales clauses relatives au deal.
Même si la LOI ne garantit pas la réussite d’une levée de fonds, c’est tout de même une première victoire pour une société, surtout si elle s’est bien préparée pour les audits à venir 🍾
Il est évidemment indispensable que les dirigeants se fassent épauler par leurs avocats pour cette étape. Les conseils en finance sont également sollicités, par exemple pour la valorisation, pour le calcul de différentes options si telles ou telles hypothèses ou clauses se confirment ou non.
4) Les audits
Les audits, ou DUE DILIGENCE (ou plus communément “DUE DIL”) servent à réduire l’asymétrie d’informations qui existe entre les dirigeants et les investisseurs.
En effet, les fondateurs connaissent par cœur le business de leur société, leurs produits, leurs technologies, leurs équipes, etc… Il est normal que le fonds, futur actionnaire, cherche à obtenir un maximum d’information de son côté sur l’entreprise, et notamment vérifier les chiffres et autres éléments donnés par les fondateurs.
Les due diligence peuvent être de plusieurs natures, en premier lieu l’audit financier, mais également audit qualité, audit technologique, etc… selon l’envie et les besoins du fonds.
Il faut imaginer plusieurs auditeurs, voire plusieurs dizaines d’auditeurs, qui arrivent du jour au lendemain pour demander des dizaines / centaines de documents et poser des questions. On insistera jamais assez sur la nécessité d’une préparation optimale (data room prête et préauditée, Q&A list la plus exhaustive possible) afin d’éviter stress et perte de temps.
A l’issue des travaux, les auditeurs donnent leurs conclusions aux fonds. Ces avis sont très précieux et peuvent faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre sur la poursuite des négociations pour la levée. Il est donc primordial de faire bonne impression auprès des auditeurs !
5) Le juridique
Ça y est, on peut entrevoir la lumière au bout du tunnel, les audits se passent bien, il est temps de travailler avec les avocats sur la rédaction du juridique. Les clauses évoquées dans la LOI sont reprises, les dernières négociations ont lieu.
Nous aurons l’occasion de détailler dans un article dédié ces clauses et autres éléments que l’on retrouve fréquemment dans les pactes d’associés.
Pour l’heure, vous pouvez être fiers de vous, les principaux acronymes et autres anglicismes propres à la levée de fonds n’ont plus de secret pour vous. Vous avez les bases. Et si vous avez d’autres questions, on sera ravi d’y répondre ! 📞