Le prévisionnel de trésorerie, c’est à la fois le B-A-BA et le Graal : il est indispensable au pilotage d’une entreprise, mais beaucoup n’en disposent pas.
Il peut y avoir plusieurs raisons à cela :
- il nécessite une projection (des scénarios, des hypothèses,…) ce qui est toujours difficile,
- pour cette raison, il ne sort pas automatiquement des outils comptables (du moins pas sans effort).
Dans cet article, nous allons détailler l’intérêt et le processus nécessaire à l’établissement d’une forme bien particulière de projection de trésorerie : le prévisionnel à 5 semaines.
Avant tout : pourquoi 5 semaines ?
Il y a deux raisons principales à cet horizon temporel.
1. Pour ne pas avoir à faire d’hypothèses
Sur cet horizon de temps, il n’est pas nécessaire de faire des hypothèses d’activité complexes. En effet, sauf exception, les flux de trésorerie propres à votre activité (vos encaissements clients et vos décaissements fournisseurs) qui auront lieu au cours des 5 prochaines semaines ont déjà été retranscrits dans une base de données : votre comptabilité. Ainsi, vos encaissements clients des 5 prochaines semaines sont a priori des factures qui ont déjà été émises et comptabilisées, et vos décaissements fournisseurs également. Cela tient au fait que les délais de paiement oscillent entre 50 et 60 jours. Voir les observatoires de la Banque de France. Il n’est dès lors pas utile de budgéter votre chiffre d’affaires, votre marge ou vos achats pour produire ce document.
2. Pour inclure un cycle complet
L’autre raison tient au fait qu’en 5 semaines, on appréhende un cycle complet d’exploitation, c’est à dire qu’on est certain d’inclure la plupart des grosses échéances qui sont régulièrement mensuelles : → la paie aux salariés en fin de mois → les charges sociales à mi-mois → la TVA autour du 24 → l’échéance des emprunts → etc… Dans la plupart des entreprises, le point bas de trésorerie est immédiatement post paiement des salaires, en toute fin de mois. Ce point est à l’évidence inclus dans une prévision à 5 semaines, quelle que soit la date de réalisation de la prévision.
Cette information est très importante si la trésorerie est tendue, et que vous être contraints régulièrement :
- de céder des factures à un tiers contre escompte
- de procéder à des rééquilibrages entre vos comptes bancaires
- de différer une dépense par manque de trésorerie
- de négocier des concours bancaires
- etc…
Si la trésorerie n’est pas un problème à court terme, l’intérêt est un peu moindre. Encore que…
Cet exercice est dans tous les cas pertinent afin de vérifier la bonne tenue de vos process et la lisibilité de votre activité.
Si la prévision s’avère inexacte, c’est que quelque chose cloche quelque part :
- êtes vous payés par vos clients à l’échéance ?
- payez vous vos fournisseurs trop tôt ? trop tard ?
- avez vous une bonne anticipation de vos remboursements bancaires,
- etc…
Avec un prévisionnel, vous mettrez le doigt sur le dysfonctionnement.
Comment procéder ?
Les informations à injecter dans votre prévisionnel peuvent être distinguées selon qu’elles proviennent de la comptabilité ou de d’autres sources.
1. Les données comptables : “liquider” les balances auxiliaires
Comme énoncé ci avant, les flux d’encaissements clients et de décaissements fournisseurs inclus dans l’horizon de temps de 5 semaines se rapportent, sauf exception, à des factures déjà comptabilisées.
L’analyse consiste donc à faire tomber les flux de paiement entrants et sortants dans les “bonnes cases” en fonction de la date du jour de l’analyse et de la date d’exigibilité de la facture.
2. Les données extra-comptables systémiques : construire des matrices
Cette section est la plus complexe dans la mesure où elle nécessite une dextérité Excel importante.
Pour modéliser correctement les flux relatifs à la paie, à la fiscalité et aux emprunts, nous conseillons de construire des matrices qui projetteront les décaissements.
Une matrice emprunts
Cette matrice a vocation à consolider l’ensemble de vos échéanciers d’emprunts.
Avec un peu de technique Excel, il est possible de ne pas avoir à ressaisir l’ensemble d’un échéancier. La documentation Microsoft est disponible ici.
Une matrice de fiscalité
Dans cette matrice seront répertoriés les principaux flux fiscaux qui peuvent être anticipés.
Il s’agira principalement :
- d’une TVA forfaitaire, qui sera écrasée régulièrement lorsqu’il pourra être anticipé une divergence significative vs. le forfait pour un mois donné. Par exemple lorsqu’un gros stock est constitué, on viendra diminuer le forfait. Inversement, lors de déstockage massif, on peut anticiper que la TVA afférente sera élevée.
- des échéances d’IS, CIR/CII,
- des échéances d’impôts de production (Taxe foncière, CFE,…)
Une matrice des charges de personnel
Si votre masse salariale est stable, il peut être suffisant de fonctionner avec des montants identiques décaissés tous les mois au titre des salaires et au titre des charges sociales.
Si en revanche la base est plus mouvante, avec des rentrées et sorties dans les effectifs, alors il conviendra de modéliser une matrice ayant vocation à estimer de manière plus fine ces flux.
Les données d’entrée seront :
- Identification du salarié (Nom prénom ou matricule)
- Salaire brut → duquel sera estimé le taux de charge social applicable
- Date d’arrivée et date de départ
Des formules Excel détermineront le prorata temporis de présence entre deux dates, qui sera rapporté au salaire brut sur la période auquel on appliquera un taux de charges sociales cohérent.
3. Un journal des flux non récurrents
Certains éléments sont par nature non récurrents et pourront faire l’objet d’une simple formalisation dans un “journal des flux non récurrents”, qui répertoriera :
- la date
- le montant
- la nature.
Ces événements sont typiquement des variations de haut de bilan :
- Événements au niveau des capitaux propres (dividendes, augmentation de capital, variation des comptes courants d’associés,…)
- Acquisitions ou cessions d’immobilisation
- Nouveaux emprunts,
- …
La synthèse des travaux
L’ensemble de nos travaux seront restitués sous la forme d’une courbe de trésorerie, accompagnée d’une synthèse des flux par nature et par période.
Conclusion
Il est possible, avec un effort relativement modeste, de disposer en permanence d’une projection de trésorerie à l’horizon d’un cycle d’exploitation.
Cette démarche vous demandera il est vrai d’investir un peu de temps et d’ingénierie dans la construction d’un fichier complètement automatisé et dans la construction des matrices qui l’alimentent.
A contrario, une fois que vous disposerez de cet outil, il vous donnera constamment le pouls de votre trésorerie à court terme.